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Bébé et le langage

Le début n'est pas aussi spectaculaire que la marche, le bambin mobilise moins d'énergie, mais la conquête du langage commence aussi à la naissance. Cela continuera jusqu'à ses 5 ans …

Les humains ne partagent le don du langage avec aucune autre espèce qui habite la planète. Cette capacité sera gravée dans le code génétique entre Homo sapiens et Homo sapiens. Les postures debout élargissent la gamme des sons et améliorent leur contrôle en modifiant le développement des organes respiratoires et vocaux. L'augmentation du volume cérébral et son remodelage donnent à l'homme les moyens de l'exploiter. Fort de cet héritage, votre bout de chou (sauf déficience auditive ou problème neurologique) entrera tout naturellement dans le monde des langues.

0-11 mois : Bébé produit des sons

À la naissance, il quitte l'élément aquatique et passe à l'élément terrestre. Il ne peut pas contrôler ses mouvements

En revanche, son ouïe est déjà très bonne, et ce depuis le 6ème mois de grossesse. Il peut reconnaître la voix de sa mère, car il l'entendait particulièrement, elle était conduite par les os de sa colonne vertébrale et de son bassin comme résonateurs.

Il est particulièrement sensible au rythme, la "musique" du langage, indépendante du son et du sens, car celle-ci est contrôlée par l'hémisphère droit du cerveau, qui évolue plus rapidement dans l'utérus que l'hémisphère gauche, qui traite le son. L'intonation, qui appartient au rythme, restera pour lui un guide important. Les nouveau-nés perçoivent parfaitement les contrastes entre les sons. Toutes les langues sont basées sur des sons disposés selon certaines règles. Un système forcément complexe, néanmoins, le petit le déchiffrera en quelques mois, grâce à un "programme" intégré, éventuellement indépendant des autres instituts dits supérieurs, tant le retard mental n'empêche pas systématiquement les enfants de parler. Cependant, ce programme génétique ultra-puissant ne peut fonctionner que si l'information est disponible.

Les enfants apprennent d'abord à parler par imitation. Physiologiquement, ses organes vocaux doivent être perfectionnés avant qu'il puisse produire une voix claire.

Après 3 mois de respiration incontrôlable, il prendra l'initiative d'ouvrir la bouche pour respirer. Au bout d'un à deux mois, il maîtrisera sa vocalisation (voicing). Pour lui, les mots sont comme des sons, des signaux, et le resteront jusqu'à ses 8 mois. Il peut reconnaître les prononciations qu'il entend le plus. Il y réagit, non parce qu'il comprend ce qu'ils signifient, mais parce qu'ils attirent son attention. Il en va de même pour son nom, les noms de ses frères et sœurs, "Maman", "Papa"... ou "Biberon" ! Des mots qui évoquent des sentiments agréables dans son esprit. Pour capturer ces informations, il a utilise les expressions faciales que ses parents lui envoient souvent. 

Au cours de son 3e mois, il fait la distinction entre un visage heureux et un visage triste et réagit en conséquence. En réponse à ce qu'il ressent, il émet également des sons. Durant les deux premiers mois, ses cris expriment du bonheur ou de l'inconfort, qui est lié au fonctionnement de son organisme. Il a ensuite vocalisé, uniquement en position couchée. C'est l'époque des « arreu » et des « agueu ». 

Après le troisième mois, il rie, pleure de joie ... Comme il ne maîtrise pas ses vocalisations, ses propres compositions vocales le surprennent souvent ! 

A environ 5 mois, il découvre , également grâce à sa vision améliorée : la relation entre le mouvement de la bouche et les sons qu'elle produit. Pour parler, il faut parler clairement. Ceci, combiné à sa nouvelle maîtrise de la vocalisation et à un meilleur contrôle de l'articulateur, lui ouvre de nombreuses possibilités. Il explore la variété, la durée et le volume du son.

 Il entre dans l’âge du babillage entre 6 et 10 mois C'est-à-dire qu'il prononce des syllabes (voyelles, avant et/ou après une ou plusieurs consonnes) et les répète de la même manière. Il choisit son répertoire parmi les syllabes qu'il entend souvent (donc les plus utilisées dans sa langue maternelle) et il sait l'articuler clairement. Il vous contentera de suites ("ba ba ba", "pe pe pe", etc.), plus enthousiastes car elles n'ont pas vocation à exprimer quoi que ce soit 

Nouvelle découverte capitale vers 9 mois : les mots ont un sens ! Il en conclut rapidement qu’ils produisent un effet. Les mots aident à agir et faire agir. Intéressant ! Cela l’incite à, non seulement reconnaître, mais encore mémoriser de nouveaux mots, puisés dans ceux qui reviennent souvent. Il les comprend d’abord en situation ; puis, vers 11 mois, hors contexte. 

Ses parents surestiment bien souvent ses prouesses déjà considérables. Tant mieux ! Leur émerveillement le stimule. Avant de s’essayer à prononcer les mots qu’il connaît, il continue à exercer ses articulateurs en développant son babillage, qui devient polysyllabique (deux ou plusieurs syllabes différentes à la suite). 

Vers 11 mois, si on croit entendre un mot volontairement formé et reconnaissable sortir de sa bouche, on peut considérer qu’il ne s’agit pas d’une hallucination !

12-18 mois : il se fabrique un lexique

En prononçant son premier mot, le petit met fin à un suspens insoutenable : dira-t-il d’abord "maman" ou "papa" ?

Peut-être mettra-t-il tout le monde d’accord en élisant tout autre chose ! 

Ses choix durant ces six mois où il va se constituer un lexique dépendent de plusieurs facteurs : ses capacités articulatoires, son environnement et ses goûts. Le langage représente un plaisir en soi. Le petit a compris que les mots lui permettaient de participer à la vie de leur entourage. Il aime aussi, tout simplement, les sensations qu’ils procurent et, sans se soucier du sens ni du contexte, en sélectionne certains au seul motif qu’ils lui plaisent. 

A chaque enfant, son "style". Certains privilégient presque exclusivement des noms (style dit référentiel) ; d’autres emploient à la fois des noms, des adverbes, des adjectifs, des pronoms, ou encore des expressions toutes faites qui passeraient pour des phrases (style expressif). Comment parvient-il à extraire les mots du discours et à les différencier ? Il ne peut s’appuyer sur le sens. C’est son don pour la prosodie qui le sauve. Saluons cette performance remarquable : son oreille ultra-fine distingue les inflexions et les infimes pauses qui marquent la frontière entre les mots d’une phrase, sans aucune autre indication. Compréhension et émission évoluent parallèlement mais l’une garde une nette longueur d’avance sur l’autre. 

Il s’écoule cinq à six mois entre le premier mot et le moment où le petit peut en prononcer une cinquantaine. Mais dans le même temps, il assimile la compréhension d’environ deux cents mots. Les premières semaines, il donne l’impression de stagner. On s’attend à ce qu’une avalanche de mots suive le premier. Mais le petit peine encore à décrypter et coder le langage. Il emmagasine, et restitue plus ou moins selon son tempérament. Un mot qui semblait oublié resurgit subitement, par forcément dans le contexte approprié. Comme de coutume, il procède par essais et tâtonnements. Ses tentatives portent à la fois sur la forme (prononciation) et sur le fond (signification). Il s’accommode dans les deux domaines d’approximations. Si l’articulation d’une consonne lui donne du fil à retordre, il la remplace : "papo" pour "chapeau", par exemple. Il se livre à ses premières déductions puisque le mouton a lui aussi quatre pattes, pourquoi ne pas l’appeler "chat" ? Certes, il se trompe, mais montre ainsi qu’il commence à créer des catégories de mots. Petite complication : il savait que les mots désignaient des choses ; il découvre qu’une chose peut être désignée par plusieurs mots. Par exemple, "Papa" est aussi appelé "Fred", ou "Monsieur", voire "Minou". 

Pour lui simplifier la tâche, cantonnez-vous dans un premier temps aux mots génériques : il mange sa "purée", pas tantôt ses carottes, tantôt ses courgettes ; il met son "manteau", pas son anorak ou son blouson, etc

Six mois après le premier mot, le processus s’accélère. Il apprend sept à dix nouveaux mots par jour, qu’il prononce et qu’il retient. Les phrases ne vont pas tarder à apparaître.

18 mois-5 ans : de la grammaire à la conversation

Assimiler dix mots par jour, cela nécessite de mettre un peu d’ordre ! 

L’enfant s’y emploie en organisant ses mots en phrases. Sans en avoir le moins du monde conscience, il entre dans l’univers extrêmement complexe de la grammaire. La conquête de la grammaire est une aventure de longue durée. 

Vers 2 ans, le petit s’attaque à la morphologie (formes des mots variables et invariables). Séparer le nom de l’article, respecter le genre et le nombre, et par-dessus tout conjuguer, lui pose de sérieux problèmes. Un peu plus tard et parallèlement, il avance dans la syntaxe. Ses phrases ont d’abord trois termes, plus ou moins correctement agencés. Puis, les phrases s’allongent, et il les relie les unes ou autres par des conjonctions (que, qui...) et des coordinations (et, mais...). Longtemps, il emploiera des formules type "et puis", "eh ben", etc., destinées, non à lier des phrases, mais à conserver la parole le temps de trouver ses mots. Les stratégies d’apprentissage se différencient nettement selon les enfants. Il faut assimiler vocabulaire, articulation et syntaxe, et chacun se débrouille au mieux avec ces exigences. Certains parlent abondamment, font même semblant de parler en imitant la musique de la langue. Peu leur importe la qualité de leur production ; ils avancent en faisant. D’autres emmagasinent quasiment en silence, et ne lancent de phrases que déjà bien construites et compréhensibles. Pas de cause "scientifique" à cette variété. Pas de supériorité d’une méthode sur l’autre non plus ; le critère essentiel reste une bonne compréhension de ce qu’il entend. 

Les premières phrases sont en style télégraphique. Il y manque les mots de liaison. Cependant, l’enfant respecte l’ordre des mots en vigueur dans sa langue (et le différencie dans ses deux langues, s’il est bilingue). Il conservera cette exactitude même en allongeant ses phrases. Dans les deux ou trois termes qui composent les toutes premières phrases, il y a presque toujours un mot dit "pivot" accompagnant un mot de contenu. Par exemple : "Maman là", "encore câlin"... Vers 2 ans, les phrases s’étoffent. Il expérimente la forme négative dont il fera grand usage ("Veux pas !"). Il fait précéder les noms d’articles, avec plus ou moins de bonheur, les liaisons entraînant des confusions ("un avion" est compris comme "un navion"). Il utilise "moi", par opposition à "toi". De plus en plus, ses progrès vont suivre, et nourrir son développement psychomoteur en général. 

Vers 2 ans et demi, son intérêt va aux mots désignant son corps, dont la découverte le passionne. 

Vers 3 ans, il dit "je", signe d’une avancée dans la conscience et l’affirmation de sa singularité. 

Vers 4 ans, alors qu’il a réglé la question de la propreté, il entre dans la période (plus ou moins longue) du "caca, boudin, crotte !". A mesure que sa vie sociale comme son imaginaire s’enrichissent, le désir de raconter une anecdote ou une histoire le stimule énormément. L’école lui pose un nouveau défi, se faire comprendre par d’autres que ses parents. Il va devoir se débarrasser d’habitudes langagières qui ne "passent" plus. Il lui faudra aussi parler "en public". L’équipe enseignante, qui connaît bien le problème, va l’aider à franchir l’étape. 

A partir de la moyenne section, beaucoup d’activités s’organisent autour d’un thème (la nature, les animaux, le corps...). L’enfant acquiert du vocabulaire spécialisé. Surprise : des mots extrêmement compliqués à prononcer (les noms des dinosaures, par exemple) sont assimilés avec une grande aisance. Sa soif de découvrir le monde le motive d’autant plus qu’il n’apprend pour l’instant qu’en s’amusant. 

Un conseil : munissez-vous d’une encyclopédie pour enfants si vous voulez pouvoir répondre à ses questions tous azimuts !

 Il reste influencé par son environnement familial, dans son vocabulaire et son style d’expression. Si vous formez une famille de bavards, ne vous étonnez pas qu’il le devienne aussi ! Il adopte certains tics verbaux qu’il entend fréquemment - y compris des incorrections ! 

C’est une évidence : plus vous conversez avec lui, plus il progresse avec bonheur. Les livres, les histoires enregistrées, les comptines, les films, vous aident à l’accompagner dans un plaisir partagé.

Langage chez l'enfant: traiter les petits soucis

Chaque enfant évoluant à son rythme, ne vous hâtez pas de soupçonner un retard ou un problème d’élocution. 

Cette conquête sera, comme les autres, jalonnée d’obstacles.

En revanche, en cas de trouble manifeste, il faut réagir vite pour barrer la route à des difficultés scolaires et/ou problèmes relationnels futurs. Les troubles du langage se soignent d’autant mieux qu’on les traite précocement

Le retard dit "simple" se repère à partir de 3 ans à un décalage réellement important avec la moyenne des enfants du même âge : vocabulaire limité, grammaire incertaine, prononciation erronée, difficulté d’expression.

Après avoir vérifié que l’enfant jouit d’une bonne audition, il faudra chercher les causes du côté de l’hérédité, de la neurologie, ou encore d’un problème psychologique. 

Il existe d’autres types de retard, nettement plus graves :

  1. l’aphasie (l’enfant entend, éventuellement comprend, mais n’a jamais parlé) ;
  2. la dysphasie (la structure du langage ne dépasse pas un certain stade).

Fort heureusement, ces troubles sont aussi nettement plus rares ! Les défauts d’articulation sont fréquents.

Que l’enfant bute sur certaines prononciations reste tout à fait normal jusqu’à 3 ans.

Au-delà, une articulation si laborieuse qu’elle nuit à la compréhension de ses paroles, sans progrès réguliers, doit alerter.

En plus de l’examen auditif de rigueur, votre médecin lui prescrira sans doute une visite chez le dentiste, une mauvaise organisation de la dentition pouvant en effet perturber l’élocution.

Autre possibilité, une difficulté à anticiper les mouvements des muscles et organes en jeu dans la parole (problème dit "sensori-moteur"). 

Il ne faut pas confondre "bégayage" et bégaiement. Le premier est un blocage passager de la parole, souvent dû à la nécessité de chercher ses mots, tout à fait banale. L’enfant atteint de bégaiement, lui, redémarre difficilement quand il bloque ; il répète des syllabes ou des mots, indépendamment de sa volonté. Ce trouble aisément repérable peut survenir dès 2 ans (ou beaucoup plus tard, jusqu’à l’adolescence). Aucune cause physiologique n’en a encore été démontrée. Des facteurs psychologiques entrent très vraisemblablement en jeu. Notamment, des petits perfectionnistes, souvent influencés par des exigences parentales excessives, produisent tant d’efforts pour éviter les imperfections que leur parole se bloque. Socialement, le bégaiement est lourd à porter. A force de lutter pour expulser ses mots, l’enfant bègue perd le fil de sa pensée. Il risque d’y perdre aussi le goût de la communication. Il a besoin de beaucoup de patience et de tendresse. 

Le zozotement n’a rien d’épouvantable. L’enfant laisse sa langue entre les dents en parlant, comme il le faisait en tétant. On trouve même ce petit défaut charmant... jusqu’à un certain âge. Or, si on tarde trop à traiter le problème, la langue risque de prendre des habitudes mécaniques dont il deviendra difficile de se défaire. Au-delà de 5-6 ans, confiez-le à un spécialiste.

Qui consulter ?

  1. Un oto-rhino-laryngologiste (ORL) pour vérifier son audition.
  2. Un orthophoniste, qui cernera le trouble à l’aide de tests (validés par la profession : ne vous avisez pas de pratiquer vous-même des tests !) et proposera les modalités de la rééducation.
  3. Pour ce même service, vous pouvez vous adresser à un Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP).
  4. Un phoniatre, médecin (contrairement à l’orthophoniste) spécialisé dans les affections de la voix et de la parole, et donc apte, outre à l’évaluation et à la rééducation, à la recherche des causes profondes.
  5. Un psychologue, un neuropédiatre, un psychomotricien, sur conseil du médecin traitant, si les causes du trouble l’imposent. 

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